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Pourquoi coder une fonctionnalité ne représente que 20% du travail effectif

Pourquoi coder une fonctionnalité ne représente que 20% du travail effectif

"C'est juste un bouton, ça peut pas prendre plus de deux heures !" Cette phrase, tous les développeurs l'ont entendue au moins une fois dans leur carrière. Et tous les CEO de startups early stage l'ont probablement prononcée, avant de découvrir que ce "simple bouton" allait mobiliser leur équipe technique pendant des semaines. Cette incompréhension entre vision métier et réalité technique n'est pas qu'une anecdote : elle révèle une méconnaissance fondamentale de ce que représente vraiment le développement logiciel. Comprendre que coder une fonctionnalité ne constitue qu'environ 20% du travail total peut transformer votre approche du produit et vous éviter bien des désillusions budgétaires.

La face cachée du développement : bien plus qu'écrire du code

Quand on demande à un non-technicien d'imaginer le processus de création d'une fonctionnalité, il visualise souvent un développeur face à son écran, tapant frénétiquement du code jusqu'à ce que la magie opère. Cette vision romantique du développement occulte complètement la réalité d'un processus bien plus complexe et structuré.

Avant même qu'une seule ligne de code soit écrite, il faut comprendre précisément ce que l'on veut construire. Cette phase de cadrage produit implique des échanges avec les parties prenantes, la rédaction de spécifications détaillées, la création de maquettes et de prototypes. C'est durant cette étape que se dessinent les contours exacts de la fonctionnalité, ses interactions avec l'existant et ses implications techniques. Un cadrage insuffisant à ce stade peut facilement multiplier par trois le temps de développement final.

Puis vient la conception technique, souvent sous-estimée par les porteurs de projets. Ici, les développeurs seniors analysent l'architecture existante, identifient les modifications nécessaires, anticipent les points de friction et conçoivent une solution robuste. Cette réflexion préalable détermine en grande partie la qualité et la maintenabilité du code qui va suivre. Skipper cette étape, c'est s'assurer de futurs problèmes de performance et de maintenance.

Le développement pur - cette fameuse phase où le code prend vie - ne représente ensuite qu'environ 20% du temps total. Même pour un développeur expérimenté, écrire du code propre, testé et documenté demande une attention particulière à chaque ligne. Mais une fois cette étape terminée, le travail est loin d'être fini.

La phase de QA et de revue de code constitue un filet de sécurité indispensable. Les tests manuels et automatisés révèlent les bugs cachés, les cas d'usage non prévus et les problèmes de performance. Cette étape, souvent raccourcie sous la pression des délais, conditionne pourtant la qualité finale du produit livré à vos utilisateurs.

Enfin, le déploiement et la mise en production nécessitent une orchestration minutieuse. Configuration des environnements, migration des données, surveillance des métriques de performance : chaque étape doit être planifiée et exécutée avec soin. Un déploiement mal préparé peut transformer une fonctionnalité parfaitement codée en cauchemar opérationnel.

La maintenance : l'iceberg invisible qui coule les budgets

Si le développement initial ne représente qu'une partie du travail, la maintenance constitue quant à elle l'essentiel des coûts sur le long terme. Les études d'IBM et de Gartner convergent sur un constat édifiant : entre 50% et 90% du coût total d'une fonctionnalité provient de sa maintenance sur sa durée de vie.

Cette maintenance revêt plusieurs formes. La maintenance corrective consiste à corriger les bugs découverts après la mise en production. Même avec une phase de QA rigoureuse, certains problèmes n'émergent qu'en conditions réelles, avec de vrais utilisateurs et des volumes de données significatifs. La maintenance évolutive répond aux demandes d'amélioration et de nouvelles fonctionnalités liées à la feature initiale. Ce qui commence comme un simple bouton de connexion peut évoluer vers un système complet de gestion des sessions, de récupération de mot de passe et de sécurité avancée.

La maintenance adaptative permet au code de s'adapter aux évolutions de son environnement : nouvelles versions des frameworks, changements de réglementations, évolution des APIs tierces. Ces adaptations, invisibles pour l'utilisateur final, sont pourtant cruciales pour maintenir le système en fonctionnement. Enfin, la maintenance préventive vise à améliorer la qualité du code existant pour faciliter les évolutions futures : refactorisation, optimisation des performances, mise à jour de la documentation.

Prenons un exemple concret : une fonctionnalité de notification push développée en une semaine peut générer des mois de travail cumulé sur plusieurs années. Adaptation aux nouveaux OS mobiles, gestion des utilisateurs qui désactivent les notifications, optimisation pour économiser la batterie, personnalisation des messages, analytics de performance, conformité RGPD : chaque évolution du contexte technique ou réglementaire impacte cette fonctionnalité apparemment simple.

Cette réalité explique pourquoi les estimations initiales des développeurs peuvent sembler pessimistes aux yeux des dirigeants. Quand un CTO annonce trois semaines pour développer une fonctionnalité que le CEO imaginait en trois jours, il intègre déjà une vision plus réaliste de l'ensemble du processus et des contraintes de maintenance future.

Transformer cette contrainte en avantage concurrentiel

Plutôt que de subir cette réalité, les startups peuvent la transformer en avantage stratégique. La première étape consiste à adopter une approche en coût total de possession (TCO) pour chaque fonctionnalité. Au lieu de s'arrêter au coût de développement initial, il faut projeter les coûts de maintenance sur 2-3 ans. Cette vision élargie permet de prendre des décisions plus éclairées : faut-il développer cette fonctionnalité en interne, utiliser une solution existante, ou simplement l'abandonner ?

Cette approche TCO influence aussi les choix techniques. Investir dans une architecture plus robuste et des tests automatisés représente un surcoût initial, mais peut diviser par deux les coûts de maintenance futurs. De même, privilégier la simplicité et éviter la sur-ingénierie permet de réduire significativement la complexité à long terme.

Pour les équipes techniques, intégrer cette réalité dans les processus quotidiens devient un impératif. L'automatisation des tests, du déploiement et du monitoring n'est plus un luxe mais une nécessité économique. La documentation technique, souvent négligée, devient un investissement rentable quand on considère le temps économisé lors des futures évolutions. Les sessions régulières de refactorisation permettent de maintenir la qualité du code et d'éviter l'accumulation de dette technique.

Cette prise de conscience transforme aussi la relation entre équipes métier et techniques. Quand les product managers comprennent que chaque nouvelle fonctionnalité génère des coûts récurrents, ils deviennent plus sélectifs dans leurs demandes et plus collaboratifs dans la recherche de solutions simples et efficaces.

Le code n'est que le début : repenser la création de valeur technique

Accepter que le développement ne représente qu'une fraction du travail total ne doit pas décourager l'innovation, mais au contraire permettre une approche plus mature et durable de la création produit. Cette prise de conscience permet d'allouer les ressources plus intelligemment et d'éviter les déconvenues budgétaires qui caractérisent trop souvent les projets tech.

Pour les CEO de startups early stage, cette réalité implique de budgétiser non seulement le développement initial, mais aussi les coûts récurrents de maintenance et d'évolution. C'est la différence entre construire un produit et construire une entreprise durable. Un logiciel ne s'achète pas : il s'entretient, évolue et grandit avec votre business.

Commencez dès aujourd'hui par cartographier les vraies composantes de vos prochaines fonctionnalités. Impliquez vos équipes techniques dans l'estimation du TCO et intégrez cette vision long terme dans vos décisions produit. Votre compte en banque et vos développeurs vous remercieront.

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